"Contrer un maire autoritaire exige surtout un engagement citoyen de la part des électeurs. L'opposition doit se sentir soutenue par ceux qui l'ont élue. "
Deux élus locaux*, Sabine Renault Sablonière et Eric Béal, répondent aux questions de L'Express sur l'exercice autoritaire du pouvoir. Interview.
Les maires autoritaires, à quels signes les reconnaître?
Un maire autoritaire s'entoure de personnes "influençables" ou peu à l'aise avec la polémique au sein de sa majorité. Cela lui permet de tenir ses colistiers sous son emprise psychologique. Quant à l'opposition, elle est maitrisée par des petites vexations, des ricanements, des moqueries au cours des séances du Conseil municipal, ou encore des menaces de la traîner en justice. Les plus autoritaires n'hésitent pas à utiliser des méthodes non démocratiques, telles que la coupure du micro lors des délibérations du Conseil municipal ou le refus de donner les informations nécessaires à l'opposition pour lui permettre de prendre position. Plus généralement, le maire autoritaire cadenasse, dès son élection, le centre municipal d'action sociale, les sociétés d'économie mixte et autre établissement public de coopération culturelle. Il noyaute le tissu associatif afin de se créer un réseau de fidèles et de redevables dans les secteurs clefs de la vie de la cité.
Le Maire est l'élu qui a le plus de pouvoirs en France. Plus encore que le président de la République car ses décisions ne peuvent être contestées par aucune assemblée, puisque la loi lui octroie une énorme majorité au sein du conseil municipal. En outre, les décisions importantes d'un maire autoritaire ne se prennent pas dans les commissions délibératives constituée d'élus, mais dans des groupes de travail informels où l'on retrouve son entourage proche, maires adjoints et membres de son cabinet.
La personnalisation du pouvoir à l'échelon local traduit-elle une dérive de la démocratie?
Sans aucun doute. Ces personnages sont tellement ancrés dans le paysage que les électeurs croient impossible de les déloger et se désintéressent de la vie politique. Ceux qui souhaitent, néanmoins, se lancer dans l'action politique locale peuvent rencontrer des difficultés pour constituer une liste, car certains candidats potentiels sont tétanisés par la crainte de déplaire au Maire. Mais notre démocratie est-elle parfaite? Si autant d'élus en viennent à considérer la gestion d'une commune importante comme leur affaire personnelle, c'est parce que la loi leur en donne les moyens. L'opposition municipale n'a aucune prérogative, elle ne préside pas la commission des Finances (comme à l'Assemblée nationale), et si elle est censée recevoir toute l'information qu'elle demande, un maire peut le lui refuser et attendre l'injonction d'un tribunal administratif pour obtempérer...
Quels contre pouvoir pour éviter ces dérives?
La loi doit être modifiée. La prime majoritaire au vainqueur des élections devrait être diminuée pour permettre à l'opposition d'être représentée par un plus grand nombre d'élus. Les temps de parole minimum en conseil municipal devraient être fixés par la loi. On peut, par ailleurs, imaginer de faire évoluer la gouvernance d'une collectivité locale en suggérant qu'un conseil municipal puisse voter une motion de censure contre le Maire ou encore qu'un mandat de Maire ne soit pas renouvelable plus de trois fois. Enfin, l'enregistrement vidéo des séances du conseil municipal devrait être obligatoire et mis à la disposition des citoyens sur le portail de la mairie. On peut parier que ces dispositions amèneraient les maires autoritaires à changer de comportement.
Contrer un maire autoritaire exige surtout un engagement citoyen de la part des électeurs. L'opposition doit se sentir soutenue par ceux qui l'ont élue.
*Sabine Renault Sablonière, élue UDI à Issoudun (36) et Eric Béal, candidat à Rosny-sous-Bois (93) sur la liste "Rosny Ecologique et Solidaire" sont les auteurs avec Stanislas Boutmy, Brigitte Colson, Jean-François Donny de: "Ces Maires autoritaires", aux Editions l'Inventaire